Témoignage

[Belles Histoires] DLA & énergie

En tant qu’agence locale de l’énergie, ALOEN (Agence Locale de l’Energie et du Climat de Bretagne Sud) est une association créée, non pas par un groupe d’habitant·es, mais par des collectivités locales : Lorient Agglomération, la Région Bretagne et l’ADEME l’ont créée en 2005 afin de porter les points info-énergie, pour accompagner les habitant·es dans la rénovation énergétique de leur logement. Lutte contre la précarité énergétique, construction et rénovation d’habitats, développement des énergies renouvelables, facilitation de territoires… au fil du temps l’association a développé une foule de projets pour faire face aux nombreux défis du réchauffement climatique.

INTERVIEW DE MARIE-LAURE LAMY,

directrice d’ALOEN

 

« On savait ce que l’on ne voulait pas : on ne voulait pas la pyramide, on ne voulait plus le râteau » – Un besoin clair de repenser la gouvernance interne de l’association

En 2018, c’est suite au départ soudain d’une salariée au rôle clé dans l’association que les membres d’ALOEN prennent conscience de la fragilité de leur fonctionnement interne et de leur modèle hiérarchique, très dépendant du pôle administratif. « On savait ce que l’on ne voulait pas : on ne voulait pas la pyramide, on ne voulait plus le râteau », raconte Marie-Laure Lamy, directrice d’ALOEN, quand elle revient sur cette période. « On savait ce que l’on ne voulait pas mais on ne savait pas encore formaliser ce que l’on voulait. ». Ils décident de réinterroger leur modèle de gouvernance, et se tournent vers le DLA pour avoir un « regard extérieur et un accompagnement méthodologique », mais aussi s’assurer de pouvoir consacrer du temps à ces questionnements.

L’association avait déjà mis en place certains processus : le fonctionnement était déjà participatif, mais certains process restaient peu clairs. Face aux évolutions internes de l’association ces dernières années, dont l’augmentation récente du nombre de salarié·es – une vingtaine à l’époque – et la multiplication et la complexification des conventions de financement, il était devenu nécessaire que l’association prenne le temps de se reposer ces questions.

C’est alors qu’ALOEN se rapproche de Bretagne Active, qui porte le DLA du Morbihan, et y rencontre la chargée de mission DLA de leur territoire, qui met en place un diagnostic des enjeux et besoins de l’association.   « Là, ça devenait trop pour moi, il y a un moment où la charge mentale devenait trop forte. », témoigne Marie-Laure Lamy. « Je n’arrivais plus à répondre à toutes les sollicitations des salarié·es et je ralentissais le travail de l’agence. Je ne pouvais plus jouer tous les rôles, et il y avait en parallèle une envie des salarié·es de prendre plus part [aux prises de décision] ». Le besoin est alors très clair : il s’agit de repenser leurs processus d’organisation interne, pour à la fois gagner en efficacité et assurer un réel bien-être des salarié·es au travail, en leur permettant de participer plus activement aux prises de décision.

Suite à ce diagnostic, le DLA leur propose de faire appel à deux consultantes expertes de cette thématique. Il a vite été identifié que malgré un fonctionnement très positif sur certains points – comme l’entraide, la coopération, la confiance entre les membres, l’autonomie de chacun·e sur ses missions, et l’existence d’une réunion d’équipe hebdomadaire -, d’autres points gagnaient à être améliorés, notamment un fonctionnement trop en silo au sein de l’équipe, un foisonnement d’outils et de protocoles peu clairs, générant surcharge et stress sur certain·es salarié.es.

 « Est-ce que l’on est des équipes parallèles, emboitées, entrelacées ? » – Définir les modalités de gouvernance interne

A travers des ateliers participatifs qui se sont déroulés au cours d’une année et auquel les 19 salarié.es ont pu participer, la réorganisation choisie a été un fonctionnement par cercles et rôles, et tous les membres ont pu définir ensemble ce qu’ils entendaient par ces termes. Ils ont dessiné ces cercles et leur contenu, les relations entre ces différents cercles, et ont défini les notions de périmètre, d’autorité, et de redevabilité. « On aime bien représenter ALOEN comme un organisme vivant et ce sont [les cercles] les différentes cellules qui le constituent ». Enfin, un dernier cercle a été créé, celui de coordination. Celui-ci est composé de représentant·es des autres cercles, élu·es à travers une élection sans candidat, ainsi que de la directrice comme membre de droit. Ces représentant·es sont ainsi reconnu·es par leurs pairs pour faire le lien entre les cercles et le cercles de coordination. Chaque cercle possède sa feuille de route et le fonctionnement du cercle de coordination a été précisé.

D’autres journées de travail ont aussi été dédiées à la prise de décision, à la gestion de conflit, et à la mise en place de fonctionnements pour renforcer des logiques horizontales. L’équipe a notamment créé un nouveau rôle de « référent-convention », et repensé le fonctionnement des réunions d’équipe. La directrice ne construit plus les réunions d’équipe hebdomadaires : l’animation en est dorénavant tournante, et définie par tirage au sort. L’ordre du jour est donc construit par cet animateur·trice, auquel s’ajoute un temps de prise de parole par la directrice, pour transmettre des informations générales ou descendantes.

« Ce que j’ai trouvé génial dans le DLA, c’est comment on a réussi à emmener toute l’équipe. » – Des temps d’échange bénéfiques pour les différentes parties prenantes

Le Conseil d’administration a aussi été intégré à certains des temps de travail, dont un temps consacré à l’équipe salariée et au conseil d’administration. Ce moment a été vécu comme très bénéfique car l’équipe a pu se rendre compte que la gouvernance était bien présente et active, et le CA a quant à lui pu transmettre à l’équipe tout le bien qu’il pensait de leur travail.

Ces temps d’échange ont par ailleurs aussi permis de se rendre compte de l’adhésion de chacun·e aux valeurs et au fonctionnement de l’association. Tout au long de ces réflexions, deux salariées se sont rendues compte que leur fonctionnement de travail ne coïncidait plus avec la direction que prenait l’association ; elles ont donc décidé de quitter ALOEN. Cependant, Marie-Laure Lamy considère que l’accompagnement DLA a permis que ces changements se fassent dans des conditions sereines pour tout le monde. « Elles ont compris que la direction dans laquelle allait l’association n’allait pas leur correspondre » […] Le DLA a indirectement contribué à ce que la rupture conventionnelle se déroule bien ».

Malgré la complexité et la nature sensible des sujets abordés, qui auraient pu soulever des tensions fortes, Marie-Laure témoigne qu’au contraire, ces temps ont permis de renforcer les liens au sein de l’équipe, et ont permis d’aborder certains sujets qui fâchent. Les méthodes participatives des consultantes, et la personnalisation de ces séances ont réellement permis à ALOEN de s’approprier les sujets abordés. « On a eu des apports théoriques, elles nous ont présenté plusieurs façons et nous on est allés là où ça nous convenait. [..] On avait une session, on testait, et on faisait un retour sur ce que nous convenait ou non ». Le fait que l’accompagnement se soit déroulé sur une large période, du printemps à l’hiver 2020, leur permis de tester les différents outils. Enfin, Marie-Laure Lamy revient sur un dernier effet bénéfique, indirect, qui a été de resserrer les liens au sein de l’équipe pendant le contexte du confinement du printemps 2020. « Le contexte humain était catastrophique et les facilitatrices se sont vraiment adaptées pour le rendre vivant et dynamique ».

Et maintenant ? Avancer en repensant son projet associatif

« [L’accompagnement DLA] a largement contribué à ce que l’agence se porte bien, ainsi que les humains qui la composent ». Deux ans après le début de ce premier accompagnement DLA, ALOEN a pu faire le point sur ses apports pour l’association. En effectuant un bilan de suivi avec la chargée de mission DLA, ils ont conjointement décidé qu’il serait intéressant qu’ALOEN bénéficie d’un second accompagnement DLA, pour se concentrer sur le projet associatif. Cette fois-ci, le conseil d’administration y participera plus activement, ainsi qu’une partie de l’équipe salariée – en respectant bien entendu les principes de gouvernance définis précédemment.