INTERVIEW DE
ALICE GOULAOUIC,
chargée de développement de l’Épicerie solidaire en réseau
Un besoin ressenti de prendre du recul sur les actions de l’association et repenser le projet associatif
Créée en 2019, l’association Epicerie solidaire en réseau a été créée pour mettre en place un réseau d’épiceries solidaires sur Brest métropole. En réponse à l’absence de projets de solidarité alimentaire – aucune offre existante hormis pour le public étudiant -, les membres à l’initiative de ce projet ont souhaité solliciter les associations du territoire pour mobiliser autour dudit projet. Ainsi, en 2021, une première épicerie a été ouverte, à titre expérimental. Fin 2021, l’association, initiée pour mettre en place ce réseau, décide qu’il est temps de prendre du recul sur ses actions et son projet associatif. Ayant déjà bénéficié d’un accompagnement du DLA en 2017 sur la création et mise en place de ce réseau, elle décide de se rapprocher à nouveau du dispositif.
Les membres de l’association rencontrent alors Tangi Le Gall, chargé de mission DLA dans le Finistère pour France active Bretagne 29. Lors de la phase de diagnostic de la structure, les enjeux apparaissent assez clairement, et l’association, en accord avec l’accompagnateur, décide de prioriser de travailler sur le projet associatif et la gouvernance. « L’enjeu [de cet accompagnement DLA] était de poser les jalons de ces deux projets [l’épicerie et le réseau], de bien voir les projets associatifs de chaque structure et d’imaginer la gouvernance qui en découlerait. », raconte Alice Goulaouic, coordinatrice et chargée de développement de l’association.
Une réflexion commune de tous les membres autour du projet associatif, de son plan de déploiement, de l’organisation interne et des valeurs de l’association
En mettant une forte attention à ce que les ateliers de travail intègrent une dynamique d’interconnaissance – les bénévoles et administrateurs se connaissant peu -, le prestataire sollicité dans le cadre de l’accompagnement DLA met en place des réunions de réflexions et de partage d’idées. Il apparait alors qu’il serait judicieux de structurer l’association en deux entités, pour bien assoir le projet de réseau d’une part, et que les bénévoles s’approprient l’épicerie d’autre part, à travers notamment leur participation dans le conseil d’administration.
Tous les membres de l’association ont pu participer aux différents ateliers, la personne salariée – Alice Goulaouic-, les bénévoles et les administrateurs. « C’était la première fois que l’on sollicitait les bénévoles sur ces questions-là, ce qui était un souhait, et une première étape importante ». Cela a aussi permis de créer plus de lien au sein de l’association, notamment entre les bénévoles et les administrateurs, qui avaient jusqu’alors peu d’interactions. Cela a permis aux bénévoles de se sentir plus impliqués, notamment sur les sujets d’ordre stratégique et non purement opérationnels. Depuis, certaines réunions du Conseil d’administration sont ouvertes à des bénévoles.
Ils ont ainsi travaillé sur la projection du projet associatif, à plusieurs échéances temporelles : une année, deux ans et cinq ans. Il a été important de poser dans le détail ce vers quoi l’association souhaitait tendre. Avec l’appui du consultant, ils ont ainsi pu rédiger le projet associatif, et un plan de déploiement qui sert d’orientation pour les années 2022-2026. « Même si l’on sait [qu’à plusieurs années à venir] que c’est très théorique, cela permet de se projeter, de se questionner ».
En faisant l’effort de lister les activités de chaque entité, les actions portées et les personnes en charge de ces actions, il est ressorti que beaucoup d’actions étaient sous la responsabilité de la salariée. Ainsi, l’accompagnement a permis à l’association de prendre conscience qu’il était important de redistribuer certaines actions, et nécessaire de mettre en place de nouvelles modalités d’organisation interne. Par exemple, il a été décidé de créer des rôles de bénévoles référents de pôle de travail, afin qu’ils puissent agir en plus grande autonomie vis-à-vis de la personne salariée.
Un autre apport de l’accompagnement a été de pouvoir retravailler sur les valeurs et les modes d’action des deux structures. Pour Alice Goulaouic, « C’est un travail qui parait évident de prime abord, on voit bien en essayant de formuler les choses que ce n’est pas si simple à faire. […]. Je m’attendais à ce que ça fasse consensus sur le projet associatif et les valeurs : cela a fait émerger qu’il y avait besoin de rediscuter les choses et de bien écrire le projet associatif. ». En repartant de cela, ils ont aussi discuté de la structuration de la gouvernance et ce vers quoi ils souhaitaient tendre.
Une restitution publique pour impliquer les acteurs partenaires
A la fin de l’accompagnement DLA, l’association a organisé une restitution publique de celui-ci. La première restitution a été réservée aux bénévoles, mais une deuxième, publique, a permis d’impliquer les associations membres d’Epiceries solidaires en réseau ainsi que d’autres partenaires externes, dans l’objectif de faire entrer l’association pleinement dans une dynamique de travail en réseau avec les acteurs du territoire.
Quelques mois plus tard, suite à un rendez-vous de suivi post-accompagnement, le chargé de mission DLA et l’association se sont rendus compte qu’il serait bénéfique à la structure de poursuivre son accompagnement sur un point précis : l’écriture des statuts de l’épicerie, suite à la création de la deuxième structure juridique. Ils ont ainsi pu bénéficier d’un temps supplémentaire avec un expert sur ce sujet.
Aujourd’hui, les deux entités n’ont pas encore été séparées mais les bases sont posées et la structure s’organise pour accompagner ses membres vers cette nouvelle étape. Tout ce qui a été programmé n’a pas encore été mis en œuvre, toutefois le projet-pilote d’épicerie fonctionne très bien, suite à l’ouverture de l’épicerie en 2021, la mise en place du magasin et des partenariats. En 2022, les groupes de travail internes de bénévoles ont été mis en place pour réfléchir sur les différents sujets en cours. Quant au projet de réseau, il avance, plusieurs épiceries ayant adhéré au réseau, ou étant en phase de création par des acteurs du réseau.
Pour Alice Goulaouic la plus-value d’un accompagnement DLA est « d’avoir quelqu’un d’extérieur qui vienne mettre toutes les personnes autour de la table, questionner le projet, les parties prenantes, la vision d’aujourd’hui et la vision de demain. [….] Prendre [ce] temps de réflexion collective cadré par quelqu’un d’autre est vraiment très important ». Enfin, pour conclure, quel message aurait-elle à faire passer aux structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? « Le DLA est un super outil, que je recommande aux associations, pour prendre du recul sur son projet, sur son organisation. On a toujours besoin d’un regard extérieur pour avancer dans la réflexion ! »