INTERVIEW CROISÉE DE CHARLENE TATO ET OLIVIER SALLÉ,
co-fondatrice du Comptoir et prestataire pour le DLA
Un besoin d’accompagnement lié à la nécessité d’approfondir le projet pour obtenir un agrément IAE
La genèse du Comptoir électroménager solidaire est issue de deux idées initiales : lutter contre le gaspillage tout en créant de l’emploi sur le territoire, à travers la réparation et le réemploi de déchets électroniques. Partant du double constat de la difficulté des personnes accédant au logement de s’équiper en appareil électroménager et du nombre de déchets électroniques, Charlène Tato, co-fondatrice du Comptoir électroménager solidaire, a fait le choix d’y adosser un pilier supplémentaire : l’accompagnement à l’insertion professionnelle, en faisant du Comptoir une structure d’insertion. « Personne ne le fait dans les Landes, on pouvait lancer une activité tout en étant dans l’air du temps sur les questions de transition écologique et de justice sociale », précise la co-fondatrice.
En 2022, l’association demande un agrément auprès du Conseil départemental de l’insertion par l’activité économique (CDIAE) pour devenir une structure de l’insertion par l’activité économique (SIAE), et ainsi obtenir des aides aux postes en insertion. Lors de son premier passage en CDIAE, le projet de l’association obtient un avis réservé : la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) lui demande alors d’aller plus loin dans sa démarche, et d’approfondir plusieurs éléments du projet. Pour cela, la DEETS oriente l’association vers le Dispositif local d’accompagnement (DLA) afin de « reprendre le dossier et aller plus loin dans les démarches pour valider les choses », comme le raconte Charlène Tato.
Diagnostic territorial et étude de faisabilité : un accompagnement pour confirmer la pertinence et les prévisionnels du projet
Le Comptoir électroménager solidaire se rapproche alors du DLA des Landes, porté par BGE Landes Tec Ge Coop et rencontre Aurélie Faudry, accompagnatrice DLA. Après un diagnostic permettant de valider les besoins d’accompagnement et afin d’approfondir certains axes de travail, Aurélie et le Comptoir ont conjointement décidé de faire appel à un prestataire, Olivier Sallé, du cabinet de conseil Osialys : « l’idée c’était vraiment de reprendre le dossier, d’aller plus loin dans les démarches pour valider les choses », confirme Olivier Sallé. Consultant depuis la création du DLA, Olivier Sallé est notamment spécialisé dans les structures d’insertion par l’activité économique, raison pour laquelle le DLA propose au Comptoir de se tourner vers ce cabinet.
Un des travaux réalisés avec Osialys a été de retravailler un diagnostic territorial pour valider le réel besoin du territoire d’implantation d’une structure comme le Comptoir électroménager solidaire. « Charlène se basait surtout sur des impressions, des sentiments, qui n’étaient pas chiffrés. Notre accompagnement a donc été plutôt technique : nous avons cherché à transformer cette intuition en données structurées, et à nous appuyer sur des études approfondies pour la justifier », explique Olivier Sallé. Grâce à la mobilisation d’éléments chiffrés produits par l’ADEME, à l’étude des gisements présents et de l’écosystème d’acteurs locaux, l’approfondissement du diagnostic territorial a permis d’assoir le projet sur des données fiables.
Cette étude du territoire d’intervention a été suivie d’une étude de faisabilité, pour valider la faisabilité du projet, tant sur le point technique qu’organisationnel et juridique. « On a repris tous les éléments, on a détricoté ce que Charlène avait imaginé et on l’a retricoté ensemble », précise le consultant. Cela a permis de mettre ces différents éléments en corrélation et en cohérence, et de s’assurer de la faisabilité du projet sur les aspects organisationnels, humains, financiers et matériels. Ce travail a également rendu possible la préparation de prévisionnels garantissant la sécurité financière de la structure, dont les coûts fixes étaient importants. L’expertise d’Olivier Sallé sur l’IAE a notamment permis à l’association de prendre connaissance d’une règle qu’ils ne connaissaient pas : dans le cadre de leur agrément, les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) sont tenus de limiter la part de leur chiffre d’affaires commercial à 30% de leurs ressources. « Il me fallait une crédibilité et c’est Olivier qui a validé les éléments que j’avais préalablement cherchés, et qui m’a permis d’aller plus loin », témoigne Charlène Tato.
Toutes ces réflexions ont par ailleurs permis d’enrichir le projet d’un élément inattendu, jusqu’à présent non inclus dans le projet : la prise en compte des gisements informatiques et des apports numériques. « Le projet initial ne comprenait pas du tout les gisements informatiques et on a créé une activité autour du numérique », explique Charlène Tato. Suite à l’étude de faisabilité, ils décident alors d’ajouter cette brique au projet initial, et de récupérer des équipements numériques par le biais d’entreprises, de particuliers et de déchèteries. La mise en contact avec des partenaires du territoire a constitué un autre apport de l’accompagnement : une autre recyclerie était déjà présente sur le Grand Dax, et ne voyait pas d’un œil très favorable l’arrivée d’un nouvel acteur sur le territoire ; la mise en contact réalisée par Osialys, puis la réalisation de l’étude de faisabilité ont permis de démontrer que le gisement présent était suffisant pour alimenter les deux recycleries, et ainsi faciliter la cohabitation entre les deux structures. « L’étude de faisabilité a montré que le gisement était largement suffisant pour alimenter tout le monde sans pénaliser qui que ce soit », confirme Olivier Sallé.
En renforçant la crédibilité de l’association, ce travail lui a également permis de fédérer de nouveaux partenaires autour de son projet. Le DLA, à travers Aurélie Faudry, a ainsi servi de relais pour les mettre en lien avec certains partenaires, comme France Active, le Crédit Coopératif, la Région Nouvelle-Aquitaine – les partenaires en charge des dossiers IAE. « C’est une particularité dans les Landes », précise Olivier Sallé. « A partir du moment où on est sur l’accompagnement d’une SIAE en devenir, il y a toujours un comité intermédiaire, un temps avec les partenaires de l’IAE. […] Ils étaient présents au lancement de la mission, à un temps intermédiaire et à la fin ». Le DLA s’est pour cela chargé de la coordination du comité, dans l’optique d’appuyer la structure à préparer son dossier pour demander un agrément IAE. « En tant que porteuse de projet, j’ai eu l’impression d’avoir un oral blanc et un vrai oral à la fin », raconte Charlène Tato. « Cela permet de réajuster des choses et de ne pas avoir de surprises à la fin ».
Enfin, un apport non négligeable de cet accompagnement réside dans le soutien humain : très déçue lors du premier refus du CDIAE, l’accompagnement du DLA et les échanges réguliers avec Aurélie Faudry et Olivier Sallé ont permis à Charlène Tato de redémarrer d’un meilleur pied et de se remotiver pour engager de nouvelles démarches, en s’emparant des avancées réalisées lors de l’accompagnement.
« Aujourd’hui tout roule parce que tout a été bien pensé en amont » – Un accompagnement bénéfique au lancement de cette activité
Suite à l’accompagnement, le Comptoir électroménager solidaire a pu redemander son agrément en tant que SIAE, et l’a obtenu. Cela fait maintenant plusieurs mois que l’activité a réellement démarré et la recyclerie ouverte, avec une dizaine de salariés, dont sept en contrat d’insertion. Chose rare démontrant de la capacité de persuasion du projet, la convention IAE a été revue à la hausse quelques mois après le conventionnement, permettant d’augmenter le nombre de salariés en insertion !
« Cet accompagnement était nécessaire, sinon je serai allée au casse-pipe », conclue Charlène Tato, dont Olivier complète les propos : « L’accompagnement permet de sortir avec un projet bien structuré. Cela fait gagner du temps au lieu de tâtonner ». L’association réfléchit déjà à l’étape d’après, se questionnant sur une perspective de création d’une activité de réparation, suite à de fortes demandes exprimées par leurs clients et partenaires.