INTERVIEW CROISÉE DE
Nathalie Miel, David de Abreu et Emilien Normand
Une démarche expérimentale sur la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) née de la rencontre d’acteurs souhaitant s’engager sur le sujet
Comme l’expriment à la fois Emilien Normand et Nathalie Miel, respectivement chargé d’accompagnement DLA en Auvergne Rhône Alpes et directrice du PTCE le DAMIER, cet accompagnement collectif du DLA est né « presque par hasard ». Le DLA régional AuRA, porté par BGE AuRA, prévoyait de mettre en place un accompagnement collectif sur la question de l’outillage collectif des structures culturelles mettant en place des démarches de RSE. Dans cette optique, ils ont rencontré l’AFDAS – opérateur de compétences (OPCO) du secteur de la culture, et ont réuni les acteurs des écosystèmes de la culture et de la RSE pour leur présenter leur démarche et « ouvrir le champ des possibles ».
A cette réunion était aussi présent Le DAMIER, un Pôle territorial de coopération économique (PTCE) travaillant sur les industries culturelles et créatives. « Ce fut un alignement des planètes », raconte Nathalie Miel. Le DAMIER rencontrait justement un besoin du même domaine : comment davantage accompagner ses adhérents sur les sujets de développement durable et de RSE ?
Suite à cet échange, il a ainsi été décidé que le DLA régional AuRA accompagnerait le DAMIER et quatre de ses adhérents, et que l’AFDAS mettrait en place un accompagnement similaire sur la même temporalité avec d’autres adhérents du DAMIER. Particularité : le DAMIER était positionné en tant que bénéficiaire de l’accompagnement, et accompagnateur de ses propres adhérents. « On a essayé d’articuler au mieux [les accompagnements] AFDAS / DLA, et que le DAMIER soit un peu le trait d’union de ces deux collectifs. », raconte Emilien Normand. « Pour nous l’idée a été triple », précise Nathalie Miel. « Permettre au DAMIER en tant que structure de bénéficier de cet accompagnement sur la RSE, permettre aux adhérents de bénéficier d’un accompagnement à nos côtés, et pouvoir transmettre, être accompagné à devenir accompagnant ». C’est en proposant cet accompagnement à leurs adhérents, que l’Agence des musiques des territoires d’Auvergne (AMTA), a rejoint l’expérimentation. « Nathalie nous a proposé cet accompagnement car elle connaissait notre maturité sur la RSE », raconte David de Abreu, directeur de l’AMTA. « Je l’ai vraiment vu comme une opportunité pour nous de passer une étape pour nous engager sur des actions pensées sur cette question RSE. »
Un accompagnement avec des briques en collectif et en individuel, rassemblant des acteurs culturels engagés dans des démarches RSE
L’accompagnement s’est constitué en plusieurs temps et a été réalisé via un consortium de deux prestataires : Galatea Conseil et AlterCulture. Tout d’abord, une première séance en collectif a permis à chacun se situer dans l’aventure. « La constitution du collectif était intéressante : il y avait des structures de domaines d’activité différentes, des priorités différentes, tout cela était très complémentaire. ». Certains avaient déjà pu avancer sur des sujets, pas toujours identiques ; les échanges et partages d’outils ont apporté une grande complémentarité. Les premiers temps de travail en collectif ont servi à poser le socle commun et les grands principes de la RSE, ainsi que de s’outiller collectivement et échanger sur leurs pratiques. Pour David de Abreu, « l’aspect collectif a permis d’aller plus loin, d’avoir des regards différenciés. […] On est tous happés par le temps dans nos projets respectifs ; avoir ce temps collectif est une bouffée d’air, nous permet de ne pas être seuls face à soi-même. Il y en a toujours un qui a une idée précise, qui a expérimenté quelque chose, à transmettre aux autres, c’est très riche ». Cela a aussi permis à ces acteurs, qui se connaissaient déjà, de se découvrir autrement et d’approfondir leurs relations.
Chaque structure a ensuite pu bénéficier de temps en suivi individuel, afin de décider de leurs plans d’actions respectifs sur la question, d’identifier les parties prenantes à intégrer dans les démarches et de penser l’évaluation à venir desdites démarches. Pour l’AMTA par exemple, ce travail s’est centré sur la création de leur plan d’action 2023 – notamment sur les questions du bien-être au travail dans leurs bureaux et de la prise en compte des questions environnementales -, le choix des indicateurs de suivi et l’invitation envers d’autres de leurs interlocuteurs à travailler dans ce sens. Le DAMIER quant à lui a pu bénéficier d’un accompagnement supplémentaire, en tant cette fois-ci qu’accompagnateur de ses propres adhérents. « C’était autant s’outiller soi-même qu’outiller les autres dans les démarches RSE », précise Emilien Normand.
Enfin, les membres de ce collectif se sont retrouvés plusieurs mois après, pour faire le point sur leurs plans d’actions et l’expérimentation des outils. Ce temps, à nouveau en collectif, leur a permis de réfléchir à comment réajuster leurs plans d’actions, en échangeant sur leurs avancées et difficultés.
Des bénéfices sur leur plan d’action RSE mais aussi la création de coopérations avec de nouveaux acteurs
« On n’est pas tous allés au même rythme ; mais toutes les structures qui ont fait partie de ce collectif en sont sorties avec des vrais leviers de transformation ». Pour Nathalie Miel, mettre le focus sur cette démarche RSE a permis au DAMIER de mettre le pied à l’étrier. De par leur fonction de réseau, ils ressentaient une nécessité d’exemplarité, et de rendre visible leur démarche. Ils ont depuis sollicité d’autres accompagnements, et ont réfléchi à comment intégrer ces réflexions dans leurs programmes de formation et leurs activités d’incubateurs. Ils ont depuis labellisé un salon professionnel dédié au secteur culturel (MIMA) comme évènement éco-engagé. L’objectif pour 2023 est maintenant d’aller encore plus loin, en créant des groupes de travail thématiques (communication responsable, qualité de vie au travail…). « Je n’avais pas mesuré les impacts que cela aurait en termes de partenariat, ni en termes d’image », raconte Nathalie Miel. « On est de plus en plus sollicités, on commence vraiment à être identifiés en tant qu’acteur presque incontournable sur notre territoire sur les sujets de développement durable. Cela nous a permis de nouer des partenariats avec des structures avec lesquelles nous n’avons pas travaillé au préalable ».
Et à présent ? « Ce ne sera jamais fini », résume Nathalie Miel. « Les prochaines étapes, pour nous, ce sera de décider comment présenter le travail réalisé, et rendre lisible ces actions auprès des adhérents et des acteurs extérieurs ». En conclusion, la directrice du DAMIER revient sur l’impact de la mise en marche de cette démarche au sein de sa structure. « Je ne m’attendais pas à ce que l’on aille aussi vite. [Cette démarche] a vraiment changé quelque chose en interne, a rapproché l’équipe. On y a tous trouvé beaucoup de sens, cela a créé quelque chose d’assez fort en interne. »
Quant à l’AMTA, comme l’explique David de Abreu, leur travail à venir s’articule pour décider « comment se servir de tout ce qui a été appris pour reformuler le projet associatif, notamment autour des droits culturels : réécrire ce projet, le rendre lisible, et porter politiquement ces dimensions. […] On est en train de réfléchir, à l’échelle du réseau, à comment on amène tous nos acteurs à travailler dans ce sens-là ? ». L’association est notamment en train d’élaborer une charte du réseau qui intégrerait cette dimension RSE.
Enfin, cette démarche expérimentale d’accompagnement aura aussi eu pour effet de renforcer les partenariats entre le DLA régional AuRa et l’AFDAS. « Cela a renforcé notre collaboration, qui est devenue encore plus fluide. On a pu intervenir à nouveau ensemble durant l’évènement éco-labellisé [du DAMIER] pour présenter cette démarche à d’autres structures culturelles », décrit Emilien Normand. Les deux acteurs ont depuis planifié de nouvelles actions en commun. L’accompagnement a aussi bénéficié au DLA régional, qui a pu saisir l’occasion pour réfléchir à la place du DLA dans les démarches RSE /RSO. Ils ont notamment créé une grille d’autodiagnostic RSE, testée dans le cadre de cet accompagnement, et qui pourra maintenant servir d’outil sur des accompagnement DLA similaires.
Crédit photo : Félix de Malleray