Un accompagnement collectif sur les questions de gouvernance dans les tiers-lieux
Une initiative initiée par un besoin identifié de montée en compétences des tiers-lieux sur les questions de gouvernance
Le DLA régional Nouvelle-Aquitaine est porté au niveau régional par France Active Nouvelle-Aquitaine. C’est en décidant de « partir à la rencontre des têtes de réseau en Nouvelle-Aquitaine et de créer du lien » comme nous raconte Marianne Mendes, chargée de mission DLA régional, qu’il se rapproche de Coopérative Tiers-Lieux, pour redynamiser le partenariat entre les deux acteurs.
La Coopérative Tiers-Lieux est un tiers de confiance sur les problématiques qui touchent aux tiers-lieux : acteur qui souhaite favoriser le développement et la durabilité des tiers-lieux en France, elle anime le réseau des tiers-lieux naissants, appuie leur formation, tout en étant à la fois un observatoire d’analyse et un lieu d’expérimentation de ces nouvelles formes de projet.
Suite à cette rencontre, le DLA régional et la Coopérative Tiers-Lieux décident de mutualiser leurs actions pour proposer un accompagnement collectif à destination des tiers-lieux. S’appuyant sur les chargé.es de mission DLA départementaux qui ont une connaissance fine des structures sur leurs territoires, ils identifient vite la gouvernance comme un besoin de montée en compétences pour les tiers-lieux. « On [les DLA départementaux] avait tous des problématiques différentes, chacun sur son territoire, notamment pour accompagner les tiers-lieux individuellement. L’accompagnement collectif régional est tombé à point nommé, ainsi que la relation qui s’est mise en place avec la Coopérative Tiers-Lieux », précise Bernadette Sallenave, chargée de mission DLA départemental dans les Landes.
La décision est alors prise de proposer un accompagnement collectif sur les questions de gouvernance au sein des tiers-lieux. Cette initiative est ainsi le fruit de la collaboration de plusieurs acteurs : le DLA régional et la Coopérative Tiers-Lieux se chargent de la coordination, tandis que les DLA départementaux de la région font le lien avec les structures bénéficiaires, organisant notamment les diagnostics individuels mis en place.
Un accompagnement collectif mêlant temps en collectif et approfondissement individuel
L’accompagnement a pu bénéficier à huit tiers-lieux, et l’objectif défini a été de proposer un accompagnement sur-mesure sur les différents modèles de gouvernance existants, et d’appuyer chaque tiers-lieu afin qu’il puisse d’adopter celui le plus adapté à son projet associatif et à ses valeurs.
De septembre à décembre 2021, l’accompagnement s’est déroulé en plusieurs temps : un premier temps de diagnostic individuel de chaque tiers-lieu avec les DLA départementaux, quatre journées en collectif avec un consultant expert des questions de gouvernance, et une journée en temps individuel avec le consultant pour approfondir les sujets abordés en collectif.
Suite aux diagnostics individuels, les structures ont pu analyser leur modèle de gouvernance, en identifier les parties prenantes et les enjeux de communication associés, ainsi que les besoins d’évolution de cette gouvernance ; ils ont de suite pu transmettre ces informations au sein de leurs structures et mettre en place des actions pour faire évoluer la gouvernance.
Les expériences de la Bonne Graine et de la Callune
Tiers-lieu dédié aux enjeux alimentaires ou tiers-lieu pédagogique mettant l’épanouissement de l’enfant au cœur de son projet, la Bonne Graine et la Callune ont tous deux pu bénéficier de cet accompagnement collectif.
L’intégration des bénévoles pour agrandir la gouvernance – l’expérience de la Bonne Graine
Tout récemment installé dans leurs locaux, la Bonne Graine est un projet encore en phase de construction : les statuts associatifs ont été créés en avril 2021, et les différentes activités (cantine et café associatifs, cuisine partagée, échoppe de produits locaux, jardins partagés et pédagogique, espace de coworking, ateliers partagés…) sont encore en cours de consolidation.
Cet accompagnement est arrivé à point nommé : en pleine construction du projet, les deux co-fondatrices peinaient à intégrer les bénévoles dans la répartition des tâches et la gouvernance d’un projet qu’elles souhaitaient collectif. « On avait toujours un peu de mal avec le fait de déléguer : comme c’est des bénévoles, c’est difficile de leur donner autant de choses à faire sur un projet qui est en plein montage. On avait une pudeur de faire découvrir toutes les tâches qu’il y avait à faire pour des personnes qui sont là en tant que bénévoles », raconte Sarah Parsisson, co-fondatrice. « Le fait de ne pas être complètement lancé, c’était une aubaine pour nous, parce que l’on pouvait se permettre de tout questionner et l’on n’avait pas cette difficulté de changer ce qui avait déjà été mis en place ». Cela leur a permis de partir sur des bases solides et de questionner leur gouvernance dès cette étape.
L’accompagnement leur a ainsi vite permis de créer du lien avec les bénévoles et de mettre en place une répartition des rôles selon les compétences et les envies de chacun. « [Cela nous a permis de] créer cette co-construction que l’on avait toujours imaginée avec ce projet mais que l’on n’avait pas réussi à mettre en place ». Un des moments forts selon Sarah Parsisson a été la mise en place, lors de la dernière journée en individuel, de groupes de travail par thématiques d’activité (coworking, jardins partagés, etc.) et la répartition des bénévoles dans ces différents groupes, afin de favoriser la co-construction, la réflexion autour du développement de ces activités et la mise en œuvre de celles-ci. « On a pu structurer l’association : avant on avait certes un bureau et des porteuses de projet, mais pas beaucoup d’interactions avec les bénévoles, ou pas assez cadrées. Grâce au DLA, on a structuré l’association, avec notre assemblée générale, le CA, le bureau, et mis en place des groupes de travail [et structuré les interactions entre ces différents acteurs]. « Je ne m’attendais pas à le mettre en place si vite », ajoute-t-elle. « Ça a été des outils que j’ai pu utiliser la semaine-même, ça nous a vraiment fait gagner énormément de temps sur le projet et sur la maturité de notre gouvernance »
Consolider un modèle déjà mis en place – La Callune
Pour la Callune, le bénéfice de cet accompagnement a été de les conforter dans le système de gouvernance qui était déjà mis en place. L’association existait depuis 2019 mais le projet de tiers-lieu à vocation pédagogique était plus récent, car il était né d’une opportunité de local, où l’association s’est installée en novembre 2021. « Cela m’a semblé intéressant qu’ils puissent croiser d’autres projets de tiers-lieux et se confrontent à d’autres visions des choses, et il me semble que c’était pertinent pour l’évolution de la structure », précise Bernadette Sallenave, qui les a accompagnés dans le département des Landes.
Pour Heidi Ruoss, présidente et co-fondatrice, l’accompagnement leur a permis de se renseigner sur les différentes formes de gouvernance existantes. Le fait de découvrir d’autres modèles, à travers des exemples concrets, leur a donné des pistes de réflexion pour la suite de la vie de la structure. « C’était super d’avoir ce temps où on se pose sur une journée complète avec une personne avec un regard extérieur qui apporte son expertise pour mettre à plat certains sujets importants […] Ça nous a permis d’avoir plus de clarté sur comment on fonctionne, pourquoi on fonctionne comme ça et ce que l’on peut mettre en place pour ce que ça fonctionne ».
« On venait juste d’ouvrir : la gouvernance n’allait pas changer, et on ne souhaitait pas inclure de suite d’autres personnes [dans la gouvernance] ». Les réflexions menées les ont donc confortés dans le fonctionnement actuel de leur gouvernance. Quant à leur dernière journée de travail en individuel, les membres de la Callune ont décidé de la consacrer à la construction d’un règlement intérieur, qui a aussi permis de rééquilibrer les rôles et les missions de chacun.
Un échantillon hétérogène et représentatif du paysage des tiers-lieux en France
« On avait des structures diverses avec des problématiques diverses : je pense qu’on a pu retrouver la diversité des questionnements que l’on peut trouver dans les tiers-lieux ». Selon Elodie Truong, animatrice territoriale à la Coopérative Tiers-Lieux, les tiers-lieux participants étaient, dans leur hétérogénéité, représentatifs de la dynamique et de la réalité des tiers-lieux. « C’était tout à fait hétérogène, et tout à fait représentatif de la dynamique et de la réalité des tiers-lieux aujourd’hui. On a des tiers-lieux qui sont en phrase de maturité et de consolidation, et d’autres qui requestionnent leur gouvernance, leur modèle économique, leur projet associatif. Et on a aussi des tiers-lieux qui en sont encore au démarrage, au développement, voire à l’émergence ».
Toutefois, un point central les rassemblait : la nécessité d’explorer de façon apaisée leur modèle de gouvernance. « La gouvernance ce n’est pas un sujet aussi simple que ça, c’est un sujet qui touche à des questions de pouvoirs, d’approche et d’organisation collective, qui sont des questions sensibles. C’était très intéressant de voir l’appétence des structures à se confronter au sujet et à progresser sur ce sujet. », analyse Elodie Truong. Heidi Ruoss revient quant à elle sur la récurrence des questionnements liés à la gouvernance : « le facteur humain est compliqué à gérer dans une structure associative, d’où l’importance d’avoir une gouvernance assez claire et simple à la fois. C’était un peu le mot d’ordre : « faire simple ». ».
« Connaître d’autres tiers-lieux qui avaient potentiellement les mêmes difficultés que nous » : apprendre de l’expérience collective et échanger entre pairs
Pour Sarah Parsisson, un des points forts de cet accompagnement a été la possibilité d’échanger entre pairs et d’apprendre des retours d’expérience d’autres tiers-lieux. « [Il était formateur de] découvrir les difficultés et les conseils que chacun avait à nous offrir : on se rendait compte que quelle que soit l’avancée du projet, on avait tous les mêmes problèmes. Ce qui ressortait le plus était la difficulté de pouvoir : qu’une personne ou plusieurs ne prennent pas le pouvoir sur d’autres, en termes de prise de décision, et que c‘était très difficile de ne pas tomber dans ce schéma-là, surtout dans le milieu associatif où l’humain est au centre et où l’on peut avoir moins de cadre ».
Enfin, les participantes mettent l’accent sur la force de la mise en réseau qu’a permis cet accompagnement. Des quatre journées qui ont eu lieu en collectif, trois sessions ont été accueillies par des tiers-lieux. « [On se retrouvait] dans des endroits complétement différents, avec une âme complétement différente, et un projet différent : un des aspects très chouette était de découvrir l’univers de chacun », raconte Sarah Parsisson.
« C’est toujours des moments riches de pouvoir échanger sur nos différentes expériences. Finalement ce dont on se rend compte, c’est que même si on a des thématiques et des structures totalement différentes, même si on reste toujours dans le social et le solidaire et que l’on n’a pas du tout les mêmes activités… on rencontre les mêmes problématiques. C’est rassurant. », témoigne Heidi Ross.
Complémentarité des réseaux et mutualisation des sessions collectives
« On a bien vu la complémentarité de nos réseaux et de nos liens terrain ». Pour les coordinateurs de l’accompagnement collectif, un des points forts a été la complémentarité des réseaux du DLA et de la Coopérative Tiers-lieux. Alors que la Coopérative Tiers-Lieux avait déjà pu expérimenter des accompagnements et connaissait le prestataire qui a accompagné les structures, le DLA a quant à lui apporté sa connaissance terrain des besoins des structures et sa méthodologie d’accompagnement. « Chacun se nourrissait de l’expérience de l’autre ».
En parallèle, Bernadette enchérit sur la qualité de l’accompagnement que permet ce format collectif : « financièrement il nous serait difficile d’offrir cette qualité d’accompagnement à chaque tiers-lieu : ces démarches collectives cofinancées sont très intéressantes en cela car elles nous permettent d’offrir davantage de journées d’intervention aux structures et de mixer les temps collectifs et individuels ». Enfin, toutes les trois mettent l’accent sur la capacité du DLA à s’adapter aux besoins des structures : « un des avantages majeurs du DLA est qu’on fait du sur-mesure, l’intérêt est de s’adapter à leurs besoins à eux, pour leur permettre d’avancer ».
Suite à cette expérience, l’accompagnement des tiers-lieux dans la région se poursuit
Suite à ce bilan positif, le DLA régional Nouvelle-Aquitaine et la Coopérative Tiers-Lieux ont décidé de poursuivre leur partenariat et les accompagnements envers les tiers-lieux dans la région : un nouvel accompagnement collectif est en cours de préparation, consacré cette fois-ci aux modèles économiques des tiers-lieux, un autre besoin identifié initialement par les DLA départementaux.
Quant à la Bonne Graine et à la Callune, ils ont commencé à mettre en place les recommandations faites par le prestataire. Les deux associations continuent à consolider en parallèle leurs activités, en respectant leurs choix de gouvernance.