INTERVIEW DE LILY BILLANT,
co-responsable de la recyclerie Ribine
Un besoin de repenser les valeurs du projet et prioriser les orientations stratégiques
Quand la recyclerie Ribine entend parler du Dispositif local d’accompagnement (DLA) en 2019, elle traverse une période où les membres de l’association se questionnent sur un besoin de professionnalisation de leurs activités. « On sentait qu’il y avait plein de choses, plein d’envie dans le projet, on avait besoin de hiérarchiser les priorités, de se donner un peu de contenu. On avait envie de se professionnaliser un peu… d’avoir des éléments objectifs et extérieurs », raconte Lily Billant, salariée et co-responsable de la recyclerie.
« On savait qu’on avait envie de travailler plutôt sur les valeurs et quelle forme on allait vouloir donner au projet plutôt que sur une professionnalisation plus technique ». Ils contactent alors Tangi Le Gall, chargé de mission DLA dans le Finistère pour France Active Bretagne, en ayant une première idée des points concrets qu’ils veulent questionner lors de l’accompagnement ; ces éléments sont ensuite affinés suite à un diagnostic qui permet de montrer les points forts de l’association ainsi que les freins à son développement. Suite à cela, Tangi Le Gall les oriente vers un cabinet de conseil pour les appuyer, Breizh Agora.
« Un moment collectif pour réaffirmer ensemble des valeurs »
Le sujet principal qui avait motivé la décision de se rapprocher du DLA était la réflexion autour des valeurs de l’association et de sa politique salariale. A travers des outils d’intelligence collective, l’accompagnement a permis à l’association « […] de réaffirmer collectivement les valeurs que l’on voulait porter, et on les a écrites dans les statuts [..] C’était un moment collectif où on a pu réaffirmer ensemble des valeurs », témoigne Lily Billant. En parallèle, les membres de l’association souhaitaient mettre en place une organisation interne et une politique salariale qui soient en adéquation avec leurs valeurs. Le fonctionnement alors en place prévoyait une absence de hiérarchie entre les trois salarié.es, co-responsables du site, et un bureau au fonctionnement collégial. Cependant, depuis la création de postes salariés, les bénévoles semblaient rencontrer de plus en plus de difficultés à trouver leur place dans l’organisation interne de l’association. La décision a donc été prise de créer une commission RH, permettant une prise de conscience des salarié.es sur la question de l’implication des bénévoles, et de rechercher de nouvelles personnes ressources pour porter l’association et rejoindre son équipe dirigeante. D’autre part, ils ont mené une réflexion approfondie sur les conditions salariales, qui ne leur paraissaient pas correctes ; celles-ci ont alors été revues, pour revaloriser les salaires, mettre en place une mutuelle d’entreprise et des contrats qui prémunissent de conditions de travail précaire.
« On ne veut pas être un Ikea de la récup’ » : d’une recyclerie au tiers-lieu à volet social
Le DLA a aussi pu accompagner Ribine dans une démarche qui a avait été mise en œuvre depuis quelques temps au sein de l’association : sa mutation en tiers-lieu. L’association proposait déjà des services allant au-delà d’un simple espace de dépôt-dons de recyclerie, comme des ateliers de réemploi, de couture, de détournement d’objet, ou des évènements à vocation sociale. « Que ce soit un espace où l’on passe aussi, et pas juste un espace où on achète. On ne veut pas être un Ikea de la récup’ ». Breizh Agora les a accompagnés dans cette démarche, en leur assurant que leur fonctionnement relevait déjà du tiers-lieu. « Breizh Agora nous a tout de suite dit qu’on avait la notion de tiers-lieux, même si on n’était pas reconnus comme tel. ». « C’est vraiment une mutation dans le projet. Maintenant on va devenir un tiers-lieu, développer toute la partie sociale que l’on souhaitait développer. […] On serait une recyclerie mixte avec une partie recyclerie donc activité économique qui crée de l’emploi et permet de capter des gens. Les objets sont un support, un prétexte pour causer, créer du lien, faire des activités, mettre fin à l’isolement ».
Une autre problématique essentielle a été la question du local. La recyclerie est actuellement implantée dans un ancien hangar agricole, inadapté aux activités de l’association, car sous-dimensionné et peu confortable pour accueillir du public. Lors de l’accompagnement, plusieurs pistes ont été évoquées, pour finalement aboutir à la décision de réaménager temporairement le local actuel en attendant d’en trouver un plus adapté au développement des activités de la recyclerie. Sur les recommandations de Breizh Agora, l’association a décidé d’investir dans un mobile-home temporaire qui puisse servir de bureau ainsi que de local d’accueil pour les ateliers, en attendant d’emménager dans un local plus adapté. Le prestataire les a aussi appuyés dans cette recherche de local, qui est en toujours en cours.
Enfin, la question des relations partenariales a aussi été centrale durant l’accompagnement. Il a vite été diagnostiqué que les relations avec les autres associations locales étaient bonnes ; toutefois, il était nécessaire de développer les relations avec les collectivités. Le prestataire les a accompagnés dans une démarche de rapprochement avec les élus du Pays de Daoulas pour engager le dialogue et se présenter. Conjuguée à l’opportunité de présenter leurs nouveaux statuts, cette démarche en a également renforcé leur crédibilité. Au-delà des statuts, Lily Billant affirme que le DLA leur a permis de prendre conscience de la qualité des activités mises en place et de leur rôle dans l’animation du territoire rural : « tout ce qu’on faisait comme ateliers et moments festifs étaient des choses valorisables, financièrement et pas que, auprès des collectivités. ».
Développer les activités de dynamisation du territoire rural
Deux ans après l’accompagnement, l’association compte maintenant quatre salarié.es, deux volontaires en Service Civique et compte embaucher prochainement un.e cinquième salarié.e. Suite à leur mutation en recyclerie mixte, Ribine a obtenu le label tiers-lieu et développé le volet animation de ses activités, organisant notamment des animations dans le milieu scolaire ou des ateliers grand public sur le réemploi. Ils ont aussi depuis obtenu l’AMI Fabrique de territoires, pour développer leurs activités de dynamisation de territoire rural. « C’est une reconnaissance que notre activité est mixte et qu’elle permet aux habitants de mieux s’y intégrer, de développer des projets, et d’avoir des services de proximité. […]. On aimerait développer un espace salon de thé associatif, où il puisse y avoir des rencontres entre des collectifs locaux, des cafés intergénérationnels, une bibliothèque de prêts de livres, des points internet avec des ateliers autour de la culture numérique… ». En parallèle, ils ont aussi lancé des démarches auprès de la CAF pour obtenir l’agrément « espace de vie sociale ».
En conclusion, Lily Billant met l’accent sur la prise de conscience que le DLA leur a apporté sur l’impact des activités qu’ils menaient. « C’est grâce au DLA que l’on a pu se sentir suffisamment crédibles, compétents, car on n’avait pas assez confiance en nous ». Ils ont ainsi pu se rendre compte de leur rôle dans la revitalisation du territoire où ils sont implantés, et mettre en place de nouvelles actions pour renforcer cet impact.