TEMOIGNAGES de Emilien Veysseyre, chargé de développement à la Couveuse régionale AuRA, et Marie Bar, chargée de mission DLA régional.
[INSPIRATION]
La coordination régionale des espaces tests agricole d’AURA est née il y a 4 ans, à l’occasion de la création des grandes régions. Ce collectif informel, associant 8 acteurs du monde paysan et du test d’activité agricole, se rassemble autour de projets communs et de services mutualisés.
L’idée d’une fonction couveuse commune à travers une mutualisation a ainsi vu le jour il y a 2 ans et sa mise en œuvre s’est précisée il y a un an, à la fois, en réponse à un besoin (la fin du portage du test d’activité agricole par la Coopérative d’Activité et d’Emploi qui assurait ce rôle dans la région) et grâce à une opportunité (obtention de financements – fonds de confiance de France Active Auvergne et financement AITA -pour une étude de faisabilité et un poste de développeur – animateur). Emilien Veysseyre a ainsi pris en charge l’animation et le développement du projet : le sujet était loin de lui être étranger, Emilien étant un ancien salarié d’une coordination régionale inter associative à l’origine de l’émergence de l’espace test agricole auvergnat. Très rapidement, il sollicite le DLA, et un accompagnement global sur le projet (modèle économique, gouvernance, effet miroir sur l’opportunité du projet) est construit avec Marie Bar, chargée de mission DLA R. Le suivi de l’accompagnement se fera également avec Charline Roy, chargée de mission chez France Active Auvergne. Il s’agira d’un accompagnement conséquent : 10 jours, d’avril 2019 à fin décembre, dont 2 jours complémentaires aux 8 initialement prévus, pour affiner le chantier gouvernance.
[ACTION]
La gouvernance : les premiers jalons
A sa prise de poste, Emilien a pris le temps d’aller rencontrer l’ensemble des membres de la coordination régionale des espaces test agricoles dont certains deviendront les fondateurs de la couveuse. L’enjeu était d’instaurer un espace de dialogue et d’interconnaissance, de créer de la confiance et de se familiariser avec leurs cultures respectives. Il s’agissait également d’entretenir la dynamique de co-construction de la couveuse et de converger vers une vision partagée. Emilien a ainsi recueilli les attentes, craintes et difficultés des membres mais également leurs visions respectives du test agricole et de la dynamique collective en cours. Le démarrage du projet a été également l’occasion de visiter d’autres couveuses agricoles, membres du réseau national RENETA, afin de s’inspirer de leurs fonctionnements et de leurs modes de gouvernance.
Enfin, le Comité de suivi instauré dans le cadre de l’étude de faisabilité a servi de préfiguration aux futures instances de la couveuse et a permis de mettre en place des habitudes de collaboration et un espace de décisions.
L’accompagnement du DLA : accélération de la structuration de la gouvernance
L’accompagnement du DLA, assuré par Shah-Dia Rayan et Joseph Le Blanc de la coopérative Oxalis, a permis au collectif d’aller un cran plus loin et de s’écarter des schémas de gouvernance habituels en optant pour des pratiques issues des champs de la coopération et de la sociocratie.
Parmi celles-ci, on peut citer :
• L’instauration de cercles de décision composés de représentants des membres de la couveuse. Ces représentants peuvent être des salariés des membres ou des administrateurs de ceux-ci. Au sein d’un cercle, tous ont le même poids dans la prise de décision et chaque cercle est souverain concernant toutes les décisions relatives à son périmètre. Il existe des cercles pérennes (« cœur », fonction employeur, stratégie, finances) et des cercles temporaires (sur un thème ad hoc ou un projet).
• La mise en place d’une instance stratégique très ouverte : la plénière (ayant à la fois les prérogatives d’un CA, d’un bureau et d’une AG) qui rassemble l’ensemble des membres deux fois par an.
• La prise de décisions par consentement (plutôt que par consensus ou à la majorité) : une décision est adoptée lorsque l’ensemble des objections bloquantes est levé. Il est ainsi possible d’exprimer sa désapprobation sans bloquer la prise de décisions (« je ne soutiens pas cette décision mais ne m’oppose pas à son adoption »). Ce principe est d’ailleurs intégré au statut de la couveuse.
• Une fonction tournante de représentant.e légal.e : le rôle est pour l’instant assuré par un salarié d’un membre de la couveuse, pour une durée de 2 ans.
[CAPITALISATION]
Si elle est souple, cette gouvernance n’est pour autant pas informelle ou sans cadre, au contraire ! Des statuts en bonne et due forme, un règlement intérieur et un schéma de gouvernance ont été construits et validés par l’AG constitutive de la couveuse, en juillet 2019.
La réussite de l’appropriation de la démarche par des acteurs aux pratiques et cultures très différentes réside, selon le chargé de développement et d’animation, dans :
• La posture facilitante, la capacité d’écoute et l’empathie de l’intervenante : la parole de chacun a pu être entendue
• Une implémentation progressive de la démarche, et une approche par tests et ajustements successifs (la prise de décisions par consentement a d’abord été testée dans le cadre du comité de suivi de l’étude de faisabilité)
• Le temps laissé à l’appropriation (accompagnement d’avril à décembre)
• Les bons outils, une juste place et un juste engagement pour chacun : l’ensemble des salariés des membres de la couveuse ont été formés à ces pratiques de gouvernance, pour ne pas que l’engagement repose sur les épaules d’une seule personne au sein de chaque organisation membre. De même, la fonction de représentant.e légal.e est tournante pour cette raison.
• L’engagement volontaire. A ce titre, deux modalités d’adhésion au projet ont été prévues : en tant que structure usagère (permettant de bénéficier des services de portage d’activité test de la couveuse, sans s’impliquer dans la gouvernance) ou en tant que membre actif (s’impliquant dans la gouvernance).
Il reste à présent à faire vivre cette gouvernance, qui ne manquera sans doute pas d’évoluer avec le développement de la couveuse !
Marie Bar, quant à elle, continue de suivre le projet et d’affiner ses connaissances et son expertise sur les questions de gouvernance, pour en faire bénéficier de nouvelles structures. Le questionnement sur l’évolution des modes de gouvernance est de plus en plus fréquent chez les structures accompagnées par le DLA.